Vous savez tous ces tests de quotient intellectuel (QI) que les écoles contingentées font passer aux enfants à la maternelle ? Et bien la Neuroscience démontre qu’ils font fausse route 73% du temps[1]… Pas un très bon score lorsque l’on considère que l’avenir d’un enfant est en jeu. En fait, une méta analyse a démontré que la capacité d’un enfant à se contrôler et sa motivation sont de meilleurs indicateurs de succès[2].
« There are a set of skills that children need to be learners. They need to be able to pay attention, to concentrate, to focus for long periods of time.[3] » Dr. Pamela Cantor, fondatrice de Turnaround for children.
Ces fonctions exécutives se développent dans le cortex préfrontal, la partie du cerveau humain qui se distingue le plus de celui du singe. Être attentif, planifier, organiser, élaborer des stratégies, résoudre un problème, utiliser sa mémoire à court terme, gérer le temps et l’espace, tout ça se passe principalement dans le cortex préfrontal qui échange aussi de l’information avec d’autres parties du cerveau « afin que notre comportement soit guidé par notre savoir[4] » (traduction libre). Le contrôle de soi est donc un meilleur gage de succès qu’un bon QI, toutefois si les deux sont bien développés, le potentiel est exponentiel !
Exemples de succès
Heureusement, on peut encourager le développement des fonctions exécutives. Deux curriculums ont prouvé être plus efficaces que les autres pour développer les fonctions exécutives au préscolaire : les approches de Vygotsky et de Montessori.
Tools of the Mind est un programme basé sur l’approche du psychologue et théoriste russe Vygotsky (1896 à 1934). Les enfants ayant participé au programme offert au préscolaire et en maternelle dans certaines écoles aux États-Unis ont des fonctions exécutives plus développées que leurs homologues inscrits au curriculum standard[5], ainsi qu’un meilleur comportement et des résultats académiques nettement supérieurs[6]. Cette méthode encourage les enfants à jouer à des scénarios durant de longue période en restant dans leur personnage. Elle favorise aussi les jeux avec des règlements demandant à l’enfant d’être attentif comme Simon dit. Tout le curriculum est basé sur l’approche de Vygotsky qui met de l’avant l’utilisation d’outils pour apprendre et se contrôler. Par exemple, les jeunes enfants peuvent utiliser leur voie pour les guider dans une tâche ou se remémorer un règlement. Des outils physiques sont aussi utilisés. Le dessin d’une oreille aide grandement les enfants à écouter.
Du côté de Montessori, on parle de « normalisation », c’est à dire la transition du désordre, de l’impulsivité et de l’inattention à l’autodiscipline, l’indépendance, la bonne conduite et le calme[7] (traduction libre). La structure et le curriculum de cette méthode permettent aux enfants de faire cette transition. Par exemple, les enfants ont le choix entre différentes activités et restent motivés et curieux. Les activités sont conçues d’une telle façon que l’enfant peut réaliser ses erreurs (avoir un regard critique sur son travail) et les corriger. Ou encore, lorsque l’enfant attend son tour pour pouvoir aller à une table, il pratique sa patience.
Dans les deux approches, Vygotsky et Montessori, les professeurs sont amenés à ajuster la difficulté d’une activité afin d’optimiser l’apprentissage de l’étudiant.
Un autre exemple se trouve du côté d’une étude mené par Dr. Eric Pakulak et son équipe au Brain Development Lab de l’université de l’Oregon. Ils ont suivi la modification de l’attention des enfants d’âge préscolaire participant au programme Local Headstart à Eugene en Oregon aux États-Unis. En jouant à des activités où ils doivent ignorer des stimulus pour se concentrer et en réduisant le stress vécu à la maison grâce au « positive parenting », ceux-ci ont amélioré leur concentration.
« What we were able to show is that children who were randomly assigned to receive this intervention that involved working more closely with parents as well as the child attention training, that we do see that these brain systems for attention improve in children from backgrounds of poverty. »
La science est clair, le contrôle de soi doit être développé chez les enfants d’âge préscolaire, à l’école et à la maison, pour préparer l’enfant aux situations d’apprentissage et de travail qui l’attendent par la suite. Se concentrer, rester motivé, contrôler ses impulsivités, avoir une bonne mémoire à court terme et tout ce qui est relié aux fonctions exécutives donne à l’enfant une base solide qui lui permettra de s’épanouir, de se fixer des objectifs et de réaliser ses rêves.
Stratégie et tactiques pour développer les fonctions exécutives de votre enfant
Les enfants de 7 ans en ce moment ont une capacité de contrôle de soi similaire aux enfants de 5 ans en 1940[8]. Selon les auteurs de la recherche, la baisse de la quantité et de la qualité du jeu chez les enfants d’âge préscolaire et maternelle serait en cause. C’est facile à croire maintenant qu’il est si facile d’écouter la télévision ou de jouer avec des jouets qui ne laissent pas place à l’imagination au lieu d’aller chasser un dragon avec ses voisins. Heureusement, il est facile et peu coûteux de rectifier le tir.
Scénarios (Faire à semblant)
Dans un coffre à jouet, des tissus de couleurs vives et des blocs de différentes dimensions peuvent permettre à un enfant d’explorer plusieurs scénarios. Il y trouvera une cape de super héros, un téléphone, une robe de princesse, une nappe pour un pique-nique, un marteau et autres items issus de son imagination. Ne manque plus qu’un ou quelques amis (d’âge varié c’est encore mieux), un environnement sans distractions et du temps ー visez 30 minutes et plus.
Pour que le scénario soit riche d’apprentissage, il est important que les enfants ne répètent pas simplement la même action encore et encore (couper des légumes, clouer un clou, etc.). Il doit y avoir une histoire qui progresse. C’est pourquoi il est important de parler du scénario avant de commencer à jouer. Quels seront leurs personnages et quels actions poseront-ils ? Les enfants du programme Tools of the mind dessinent leurs personnages et écrivent leur plan selon le meilleur de leur capacité. Si durant le jeu ils sortent de leur personnage, le professeur leur demande ce qu’ils ont écrit sur leur plan et ils retournent au jeu.
Vous pouvez:
- Suggérez des idées de thèmes basées sur des expériences. Un livre, une visite chez le dentiste, les sources d’inspirations ne manque pas. Par exemple:
- Participez à la visite de la caserne de pompier de votre ville et faites remarquer à votre enfant les différentes sections de la caserne. Posez des questions aux pompiers à propos des actions qu’ils doivent faire lorsque l’alarme annonçant un feu sonne.
- Au restaurant, faites remarquer à votre enfant les actions que posent le serveur.
- Rassemblez des accessoires en lien avec le thème. Les accessoires permettent aux enfants de rester dans leur personnage plus facilement.
- Gérez les disputes. Gardez en poche un 25 sous pour régler certains conflits par pile ou face et encouragez les enfants à communiquer leurs émotions en leurs offrant des exemples de phrases comme ‘’ Je me sens _____’’ ‘’Je n’aime pas quand _____________’’.
Durant le scénario, le mot d’ordre est d’intervenir le moins possible tout en s’assurant que tous les enfants participent à un scénario riche. Si vous devez intervenir, essayer de poser des questions plutôt que de suggérer. Si le scénario stagne, vous pouvez cacher une suggestion dans une question. (Ex : Est-ce que tu es en train de préparer la commande d’un client ?)
 Andrea et Avery ont servi de la crème glacée à plusieurs clients et c’est l’heure de la dégustation. |
 Marshmallows et chansons autour d’un feu de camp, à côté d’une tente imaginaire. |
|---|
Autres activités
D’abord, les jeunes enfants sont capables de plus de retenu, d’inhibition, lorsque les règles leurs sont rappelées et ce, davantage qu’un moment de pause pour réfléchir[9]. Donc, peut-importe le jeu ー et dans la vie de tous les jours ー n’hésitez pas à répéter les règlements juste avant que l’enfant ait à les mettre en action.
Un jeu ou une activité bénéfique pour le développement des fonctions exécutives doit présenter une ou plusieurs de ces caractéristiques :
- Les jeux qui demandent aux enfants de rester concentrés et de garder en tête les règlements. Par exemple, un jeu dont les règles changent. Ces jeux demandent aux enfants de contrôler leur impulsivité, ce qu’on appelle le contrôle de soi.
- Les jeux qui demandent aux enfants d’ignorer les distractions et de se concentrer sur une tâche.
- Les jeux qui demandent aux enfants de se rappeler de la position d’un objet ou de répéter des mots qui viennent d’être dits. Ces jeux travaillent la mémoire à court terme qui est primordiale lorsque l’on réalise un projet avec plusieurs étapes ou simplement pour se remémorer un règlement.
- Les jeux qui demandent de planifier ce que l’on va faire (comme aux échecs par exemple).
Voici quelques exemples :
Jean dit (Simon says) : Les enfants doivent exécuter les commandes seulement lorsqu’elles sont précédées par « Jean dit ». Alors si l’animateur dit « Jean dit touche tes pieds », les enfants doivent toucher leurs pieds. S’il dit simplement « Touche ta tête » ou bien « Marco dit touche ta tête », les enfants doivent contrôler leur impulsivité et ignorer la commande.
Lumière verte, Lumière rouge : Au début du jeu, les enfants et l’animateur sont séparé par une grande distance. L’objectif des enfants est de toucher l’animateur. Lorsque l’animateur dit « lumière verte » ils peuvent avancer, lorsqu’il dit « lumière rouge », les enfants doivent s’immobiliser. Ce jeu demande aux enfants d’être attentif et de contrôler leur corps. On peut même changer les règles comme par exemple en inversant la signification des lumières ou en ajoutant d’autres couleurs de lumières. En modifiant les règlements en cours de séance, les enfants sont amenés à travailler leur contrôle de soi et leur mémoire à court terme.
Les blocs : Les enfants peuvent planifier ce qu’ils souhaitent construire puis le réaliser en travaillant ensemble. Cette activité permet aux enfants de développer leur contrôle de soi (il peut être assez tentant de laisser tomber le projet pour jouer à autre chose avec les blocs), la planification et la coordination des rôles (les enfants seront amenés à s’entendre sur qui fait quoi).
Raconter une histoire : Cette activité développe le langage, la créativité, la mémoire, la logique et le contrôle de soi[10].
La marelle : Les règles changent selon l’emplacement de la roche. On pourrait ajouter des distractions en faisant chanter ou taper des mains les participants qui attendent leur tour.
Parcours avec distraction : Par exemple, transporter une bille dans une cuillère en marchant sur un fil alors que tout autour d’autres enfants font du bruit avec des bâtons. Les combinaisons de parcours sont infinies.
Trouver les erreurs (ou trouver la bonne réponse) : La résolution de problème fait partie des fonctions exécutives. Donc tous les jeux où l’enfant doit analyser, être critique et prendre une décision sont appropriés. Ex : 1) Entre plusieurs « A », lequel est écrit correctement. 2) Demander à l’enfant de trouver les endroits où il a dépassé sur son dessin. 3) Demander à l’enfant d’analyser son dessin ou sa phrase et de recommencer afin de faire encore mieux.
À l’école comme à la maison, il est facile et amusant pour les jeunes enfants de développer leur cortex préfrontal. En plus des jeux, un environnement où l’enfant se sent en sécurité et rencontre peu de stress lui permettra de bien développer ses fonctions exécutives. En offrant ces conditions à votre enfant, vous lui permettez de développer des compétences primordiales à la réussite de son parcours académique et les bienfaits l’accompagneront toute sa vie et l’outilleront pour la réalisation de ses rêves.
Références:
[1] Bronson, P., et Merryman, A. (2009). NurtureShock : New Thinking About Children p.93
[2] Bronson, P., et Merryman, A. (2009). NurtureShock : New Thinking About Children p.174
[3] Bertelsen, P. et Teeling, J. (2016). School of the future. [Documentaire]. États-Unis : Nova.
[4] « so that our behavior can be guided by our accumulated knowledge » – Galinsky, E. (2010). Mind In The Making : The Seven Essential Life Skills Every Child Needs p.15 (traduction libre).
[5] Bronson, P., et Merryman, A. (2009). Ibid. p.170
[6] ils ont aussi eu des résultats nettement supérieur au test de standardisation de leur état (leur moyenne était 21 points percentile plus élevé que le reste des enfants du New Jersey sur le spectre national, soit 86e percentile comparativement à 65).
[7] « Normalization is a shift from disorder, impulsivity, and inattention to self-discipline, independence, orderliness, and peacefulness. » – Diamond A. et Lee K. (2011) Interventions Shown to Aid Executive Function Development in Children 4 to 12 Years Old. Science, 333. 959-964. Récupéré de http://science.sciencemag.org/content/suppl/2011/08/17/333.6045.959.DC1
[8] Bodrova, E. et J. Leong, D. (2007). Tools of the mind : The Vygotskian Approach to Early Childhood Education, Second Edition. p.144
[9] Munakata, Y. et Barker, J. (2015). Time Isn’t of the Essence: Activating Goals Rather Than Imposing Delays Improves Inhibitory Control in Children. Récupéré de :
[10] Bodrova, E. et J. Leong, D. (2007). Tools of the mind : The Vygotskian Approach to Early Childhood Education, Second Edition. New Jersey : Pearson Education. p.155
Les articles du blogue contiennent des liens affiliés avec Amazon. Les recettes vont à la rédactrice Pascale Pinette en compensation pour le temps investi dans la création des articles. La qualité des articles n’est pas affectée puisque Amazon propose un large éventail de livres et d’items si bien que le choix des recommandations n’est pas relié à l’offre du commerçant. Merci d’utiliser mes liens vers Amazon si vous êtes intéressé par un livre ou matériel proposé dans cet article.